Tantôt disruptive et survoltée, tantôt d’un protocolaire qui confine à l’excès, la Corée du Sud du XXIe siècle n’a rien d’univoque. Elle déploie ses paradoxes dans les moindres recoins de ses villes et de ses campagnes, oscillant entre ultra-modernité technophile et traditions millénaires rigoureusement codifiées. Une société à haute tension, dont les contrastes ne sont pas des contradictions, mais les stigmates d’une histoire complexe, faite de divisions, de conquêtes et de résurrections.
Et c’est peut-être ce qui rend le voyage en Corée du Sud si singulier – cette sensation d’avancer sur une terre qui se souvient. Chronique sur nos coups de cœur à visiter en Corée du Sud.
Séoul, la mémoire en mouvement
Capitale sans âge, Séoul a le goût du renouveau. Elle avance vite, parfois trop vite, mais jamais sans jeter un regard en arrière. Ici, on ne dissocie pas l’avenir du passé : on les tisse ensemble. Au cœur de cette cité tentaculaire se dressent les cinq palais royaux de l’ère Joseon. Éparpillés dans la ville moderne, ils sont les totems d’un autre temps, fragiles mais fiers, posés là pour rappeler d’où l’on vient.
À Bukchon, le « village du nord », les hanoks – maisons traditionnelles de bois et de pierre – forment un dédale silencieux. Leurs toits incurvés, patinés par les hivers tranchants et les étés moites, semblent défier les tours de verre qui s’élèvent à quelques encablures. Dans ce quartier figé dans le temps, les saisons passent lentement, comme en apesanteur.
Au sud de la rivière, du côté de Gangnam, ou plus au nord dans les rues de Hongdae et Sinchon, c’est une autre histoire qui s’écrit. Ici, la jeunesse coréenne se réinvente. Elle tague les murs, crée sa musique, bouscule les codes vestimentaires, revendique une liberté nouvelle. Là où le respect confucéen dictait silence et réserve, elle fait éclore ses désirs à la lumière crue des néons.
La ville devient alors une expérience sensorielle : pop-up stores qui naissent et disparaissent en un week-end, frénésie commerciale de Myeongdong, architectures néo futuristes du Dongdaemun Design Plaza, tout se transforme, tout pulse.
Jeju, l’île femme et fossile
Un parfum ancestral flotte sur Jeju, comme si l’île retenait dans ses forêts et ses falaises les échos lointains d’une Asie disparue. Dernier bastion d’une forêt subtropicale qui jadis courait de l’Himalaya au Japon, elle abrite encore des arbres géants. Sous leurs frondaisons, le sol vibre d’une mémoire volcanique, façonnée depuis 800 000 ans par le feu et les forces souterraines.
Le relief, cabossé de cratères et d’orgues de basalte, raconte cette origine tellurique. Sous la roche, d’exceptionnels tunnels de lave s’étirent comme un labyrinthe secret. En surface, les cascades bondissent entre les roches sombres et les lacs se teintent de vert émeraude.
Mais la véritable force de Jeju, ce sont ses femmes. Figures de l’île, elles incarnent un matrimoine unique. Guérisseuses, chamanes, elles perpétuent des savoirs millénaires. Et surtout, les haenyeo, ces plongeuses aux poumons d’acier, qui pêchent en apnée à vingt mètres de profondeur, sans bouteille ni filet, ramenant ormeaux et algues dans le respect des cycles de la mer.
L’île, volcanique et féminine, offre aussi des instants de grâce plus doux : une randonnée dans les brumes du mont Halla, une crique oubliée aux eaux turquoises, une plage de sable blanc où les enfants dessinent des dragons dans le vent.
Busan, entre mer et marchés
À l’extrémité sud de la péninsule coréenne, Busan fait face à l’horizon marin avec l’assurance d’une grande. Deuxième plus grande ville du pays après Séoul, c’est aussi l’un des ports les plus actifs d’Asie, un carrefour vibrant entre traditions maritimes et urbanisme contemporain.
Pour sentir battre le cœur de Busan, c’est du côté de son marché aux poissons qu’il faut se diriger. Le plus grand du pays, l’un des plus vastes au monde, un foisonnement de couleurs, d’odeurs et de gestes ancestraux. Ici, tout parle de la mer. Sous les néons et les cris des vendeurs, entre les tabliers plastifiés et les balances suspendues, défile un monde aquatique insoupçonné.
À Busan, le voyageur qui ose est toujours récompensé. Par une bouchée insolite, un sourire de marchande, une photo volée d’un séchage de poissons au soleil.
C’est en prenant un peu de hauteur qu’on perçoit l’autre visage de la ville. Accroché à flanc de colline, le quartier de Gamcheon déroule un enchevêtrement de ruelles étroites, d’escaliers infinis et de maisons multicolores. Jadis bidonville improvisé par les réfugiés de la guerre de Corée, il s’est réinventé en village d’artistes. Les murs racontent une autre histoire – fresques poétiques, installations fantasques, œuvres à ciel ouvert qui transforment chaque recoin en surprise.
Suncheon, où le roseau plie sans rompre
Au sud du pays, là où la terre s’incline doucement vers la mer du Japon, la nature semble avoir trouvé un accord parfait. La baie de Suncheon déploie une vaste étendue où l’eau, la lumière et les roseaux tissent ensemble un poème silencieux.
Pour en percevoir la pleine mesure, il faut grimper. L’ascension jusqu’à l’observatoire de Yongsan exige un peu d’effort, un souffle maîtrisé, un pas après l’autre sur le sentier parfois raide. Mais là-haut, au sommet, à l’heure où le jour décline et que l’horizon s’embrase, le spectacle est presque irréel. En contrebas, une mer intérieure de roseaux s’étend à perte de vue, striée de canaux sinueux, de lumière rasante et de brumes dorées. On reste là, suspendu, jusqu’à ce que le vent tourne ou que la nuit tombe.
Plus bas, à la lisière de la ville, commence une autre parenthèse : celle du Jardin international. C’est un monde foisonnant, dessiné à la main, où cohabitent plus de cinq millions de plantes, d’essences rares, de compositions venues des quatre coins du monde. On s’y perd avec plaisir, nez au vent, à travers les allées colorées et les parfums mêlés.
Puis le chemin se fait plus sauvage. Vers le sud, la baie se déploie dans sa forme la plus brute, marécageuse et vivante. Sur plus de 22 kilomètres carrés, les roseaux s’élèvent comme une armée d’herbes blondes, frémissantes au moindre souffle. Une série de passerelles de bois, suspendues au-dessus de la zone humide, permet de marcher au cœur de cet écosystème sans en troubler la quiétude.
Gyeongju, la mémoire vive de la Corée
Bien avant Séoul, il y eut Gyeongju. Capitale millénaire du royaume de Silla, elle fut, pendant près d’un millénaire, le cœur battant de la Corée. Une ville-mémoire, fondée au Ier siècle avant notre ère, dont chaque parcelle de terre semble encore vibrer au rythme des processions impériales, des prières bouddhistes et des intrigues de palais.
Sous la dynastie Silla, les souverains firent édifier de somptueux palais, des temples d’une grâce infinie et des tombeaux circulaires aux courbes énigmatiques qui parsèment encore aujourd’hui les collines. Au VIIe siècle, le bouddhisme Mahayana y fut érigé en religion d’État et les flancs du mont Namsan se couvrirent de sanctuaires sculptés à même la roche, nichés entre pins et brumes.
Bulguksa, chef-d’œuvre d’architecture spirituelle classé à l’UNESCO, veille encore sur les croyants et les visiteurs. Le musée national de Gyeongju, quant à lui, raconte en silence l’histoire d’un royaume raffiné dont les artisans savaient ciseler l’or et dessiner des lotus dans la pierre.
Une fois repus d’histoire, on s’échappe à pied ou à vélo le long des sentiers bucoliques qui serpentent entre les tumuli et les rizières. La nature ici est douce, les collines arrondies, les arbres pleins de sagesse. Le temps s’étire. Loin de la frénésie de Séoul, Gyeongju offre un souffle apaisant, presque hors du monde.
Jeonju, la résilience coréenne
Plus au nord, Jeonju conserve les traces profondes d’une histoire mouvementée, façonnée par les invasions et les dominations successives. Loin de s’en tenir à la mémoire des blessures, Jeju incarne aujourd’hui une Corée tournée vers la préservation de son identité. Dans le quartier historique, des centaines de hanoks s’alignent le long de ruelles pavées. Les toits incurvés, les portes de bois laqué, les papiers huilés des paravents racontent encore le souffle d’une époque raffinée.
Dans les allées du sanctuaire Gyeonggijeon, les visiteurs déambulent vêtus de hanbok aux couleurs chatoyantes, comme pour renouer avec une élégance perdue, comme pour honorer sans fracas les racines profondes d’une culture restée debout malgré tout.
Quand tombe le soir, dans le silence feutré des jardins et sous la lumière dorée des lanternes, une vérité s’impose : ici, la résilience n’est pas un mot. C’est une matière vivante, palpable, qui donne à la Corée sa beauté fière et indomptable. Celle qu’on aime tant vous faire découvrir dans notre agence de voyages sur mesure.
